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PREMIER EXTRAIT

 

   C’est à ce moment précis du livre, après une introduction sympa qui met en bouche qu’on imagine la jolie petite maison toute bleue accrochée à la colline, fraîchement repeinte et pimpante, le tout sous le ciel bleu fantastique de Californie et son soleil rayonnant de mille feux. 

Et bien il n’en sera rien. Désolée pour la démystification totale, mais nous sommes en janvier, il flotte comme une vache qui pisse, le ciel gris est bas, il fait 10 degrés et avec un taux d’humidité à 1000%. Il fait froid et cela rentre au travers des grosses mailles de toutes les couches de pulls que vous pouvez bien trouver dans une valise plus adaptée au temps de printemps ou d’automne qu’à l’hiver dans cette partie du globe. 

Je ne vais pas lâcher mon côté râleur franchouillard d’un coup de baguette magique. 

Je viens d’atterrir dans la ville de mon cÅ“ur qui m’a tant manquéependant un an et demi. Il fait un temps de merde mais je suis heureuse. J’ai surtout du pain sur la planche et pas le temps de m’apitoyer sur ce temps de chien digne de notre Bretagne ou de la Mer du Nord. 

Belle et sauvage, c’est ainsi que j’aime San Francisco. Toujours différente et imperturbablement extrême, aussi bien dans son soleil que dans son temps de merde. Quand le ciel est bleu, il est immensément lumineux et flamboyant, quand il est gris, il est cafardeux à souhait. Rien à moitié, tout est majestueux, comme son Golden Gate qui se déploie entre deux collines vertes offertes tels deux seins rebondis et qui conduit tout droit sur le Pacifique glacé, dangereux et si beau. Je n’ai bien sûr plus aucune objectivité lorsque je parle de la Bay Area comme on appelle ici toute l’agglomération de San Francisco. Au Nord Marin, à l’Est Berkeley et Oakland, au Sud la Sunnyvale davantage connue en France pour abriter la Silicon Valley. Au nord les riches hippies, à l’Est les intellos tout aussi hippies et aussi riches et au Sud les faiseurs de start -up du genre Google ou Facebook. En somme des petites entreprises sans ambition...

 

 

DEUXIEME EXTRAIT

 

   Burning Man est pour certains un lieu de perdition, pour d’autres un lieu de recueillement, de renaissance ou les trois à la fois.

Lorsque j’ai découvert le documentaire de Laurent sur cet endroit mythique, qui ne vit physiquement qu’un peu plus d’une semaine par an, j’ai été totalement subjuguée. 50 000 personnes se réunissent dans le désert pendant une dizaine de jours. Certains s’y perdent, d’autres s’y trouvent. D’autres encore s’y perdent et s’y trouvent. L’un vient y dire adieu à un être cher, mort ou disparu, une histoire qui fait mal, ou dire merci. Chacun vient y faire ce qu’il veut mais il y a ce lieu, unique, mystique, fort : le Temple. Construit chaque année par un artiste différent il est, avec l’Homme, le cÅ“ur de Burning Man. Il reçoit, chaque jour, un concentré d’âmes et d’énergies en quête de spiritualité et de communion sans borne, sans limite, sans religion, sans protocole… Planté au milieu du désert, disparaissant dans les tempêtes de sable régulières, il est tel un vaisseau pour les orphelins que sont devenus les êtres de la Terre. Il accueille, assimile les larmes, les joies, les unions, les histoires propres à chacun, les comportements apathiques, hystériques, mystiques, respectueux, solitaires, solaires. Les détracteurs en parleraient comme d’un lieu de perdition, je le vois et le vis au fur et à mesure des heures comme un lieu à l’énergie poétique exacerbée, troublante, stimulante. Ce lieu pourtant supposé éphémère est, dès mon premier pas en son antre, une maison, celle où je vais enfin pouvoir laisser partir ces deux êtres qui me manquent tellement. Ma grand-mère et son fils, mon père. C’est là que je vais pouvoir enfin leur dire au-revoir, à ma façon. L’enterrement de l’un et de l’autre, outre le fait qu’un enterrement n’est jamais une chose facile à vivre, ont été, sabotés par des histoires de famille. Ici c’est entre eux et moi, les autres n’existent plus, ils ne polluent plus, nous sommes dans la vérité de la perte et non plus dans le comportement social. C’est ici que je veux les laisser, dans ce néant de sable et bientôt de feu, au milieu d’un désert sans fin et dans un ciel accueillant et ouvert. Chacun de nous a quelque chose à y faire. Tout se fait dans le silence, le respect et l’amour. D’ici deux jours ce Temple, augmenté des marques et des histoires de milliers de burners crépitera et enverra les espoirs en fumée dans les airs. Moment de recueillement intense, en silence, lacrymal et lumineux.

 

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